Sommaire :
Champ d'application de la TVA

Les ventes d’immeubles par des professionnels de l’immobilier sont des livraisons d’immeubles effectuées à titre onéreux par des assujettis agissant en tant que tel, conformément à l’article 256 du CGI. Ces ventes sont donc imposables à la TVA, contrairement à certaines ventes réalisées par des assujettis autres que des professionnels de l’immobilier.

Ces ventes sont imposables, cependant leur taxation sera différente selon la nature du bien vendu.

Qu’est-ce qu’un immeuble neuf

Un immeuble neuf est un immeuble qui résulte d’une construction nouvelle ou de travaux portant sur des immeubles existants qui ont consisté en une surélévation ou qui ont rendu à l’état neuf :

  • a) Soit la majorité des fondations ;
  • b) Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage ;
  • c) Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ;
  • d) Soit l’ensemble des éléments de second œuvre suivants dans une proportion d’au moins deux tiers pour chacun des éléments :
    • les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;
    • les huisseries extérieures ;
    • les cloisons intérieures ;
    • les installations sanitaires et de plomberie ;
    • les installations électriques ;
    • et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage.
Quelle taxation des opérations ?

En cas de vente d’immeuble dans les 5 ans de l’achèvement, cette cession sera taxée à la TVA sur le prix total.

En cas de vente d’immeuble achevé depuis plus de 5 ans, cette cession est exonérée de TVA. Cependant, l’entité peut opter à la TVA, dans ce cas :

  • Soit l’entité a pu récupérer la TVA lors de l’acquisition du bien et dans ce cas la TVA sera appliquée sur le prix de vente
  • Soit l’entité n’a pas pu récupérer la TVA lors de l’acquisition. C’est par exemple le cas lorsque l’entité a acheté un bien exonéré car achevé depuis plus de 5 ans lors de l’acquisition. Dans ce cas, l’entité applique une TVA sur la marge.

En cas de vente de terrain à bâtir, la cession est obligatoirement taxée à la TVA. Cependant :

  • Soit l’entité a pu récupérer la TVA lors de l’acquisition du terrain et dans ce cas, la TVA sera appliquée sur le prix de vente
  • Soit l’entité n’a pas pu récupérer la TVA lors de l’acquisition. Dans ce cas, l’entité applique une TVA sur la marge.

En cas de vente de terrain autre qu’un terrain à bâtir, ou un terrain sur lequel est présente une construction impropre à son utilisation, la cession est exonérée de TVA, avec possibilité d’option également. En cas d’option, la TVA sera appliquée sur le prix de vente

Le régime de la TVA sur marge

Le régime de la TVA sur la marge s’applique aux opérations qui répondent simultanément aux conditions suivantes :

  • Le bien n’a pas donné droit à déduction lors de l’acquisition
  • Le bien n’a pas subi de changement de qualification juridique entre l’acquisition et la revente. Par exemple :
    • Si une entité a acquis un immeuble bâtis comprenant un terrain à bâtir attenant, qu’elle effectue une division parcellaire et qu’elle cède ce terrain, alors elle a acquis un bien ayant la qualité d’immeuble bâti alors qu’elle cède un terrain à bâtir. Il n’y a, dans ce cas, pas d’identité de qualification juridique et la TVA sur la marge n’est pas applicable. La TVA sera appliquée sur le prix total
    • Tout comme si une entité achète un terrain à bâtir, y fait édifier une construction et la vend la quelques années plus tard. Dans ce cas, l’entité a acquis un terrain à bâtir et revend un immeuble bâti. Dans ce cas, il n’y a pas d’identité de qualification non plus. En cas d’option à la TVA, cette dernière sera appliquée sur le prix total

Cependant, elle peut bénéficier du régime de la marge même si le terrain a fait l’objet d’une division parcellaire ou l’immeuble achevé depuis plus de cinq ans a fait l’objet d’une division en lots.

Par ailleurs, l’entité peut opter à la TVA sur tous lots qu’elle vend ou seulement sur une partie d’entre eux.

Le régime de la TVA sur marge - Des changements sont pour bientôt

La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu une décision le 30 septembre 2021 concernant la TVA sur marge en cas de vente d’un terrain à bâtir.

Préalablement, l’Administration fiscale exposait dans sa doctrine que la TVA sur marge était applicable aux achats-reventes de terrains à bâtir pour lesquels l’acquisition n’avait pas ouvert droit à déduction, sans autre précision. Le régime de la TVA sur marge était donc applicable aux opérations de reventes de terrains à bâtir acquis avec TVA mais dont l’assujetti revendeur n’avait pas pu la récupérer ou acquis sans TVA, que la vente par le propriétaire précédent ait été placée hors champ d’application ou qu’elle ait été exonérée de TVA. Il suffisait donc que l’assujetti-revendeur n’ait pas récupéré de TVA lors de l’acquisition. Il en est de même pour les livraisons d’immeuble achevés depuis plus de 5 ans, pour lesquelles l’assujetti a exercé l’option à la TVA et dont l’acquisition n’avait pas ouvert droit à déduction.

La CJUE, dans sa décision du 30 septembre 2021, expose que le régime de la TVA sur marge n’est applicable aux livraisons de terrains à bâtir que dans la mesure où :

  • L’acquisition du terrain à bâtir par l’assujetti-revendeur a été soumise à la TVA sans que ce dernier ne puisse la déduire
  • Ou lorsque l’acquisition n’a pas été soumise à la TVA, mais que le prix d’acquisition payé par l’assujetti-revendeur incorpore un montant de TVA acquitté en amont par le vendeur initial

Cette décision de la CJUE ne traite que des terrains à bâtir mais concerne également, selon nous, le régime de la TVA sur marge applicable aux livraisons d’immeuble achevés depuis plus de 5 ans, pour lesquels une option à la TVA a été formulée.

En cas d’acquisition d’un terrain à bâtir sans TVA, le professionnel devra donc justifier que le prix d’acquisition de ce terrain incorpore un montant de TVA pour que le régime de la TVA sur marge soit applicable à la vente de ce terrain.

La CJUE précise également que le régime de la TVA sur marge n’est pas applicable aux ventes de terrains à bâtir, qui n’étaient pas classés en terrains à bâtir lors de leur acquisition par l’assujetti-revendeur. En conséquence, si un terrain devient constructible entre l’acquisition et la revente du terrain, cette vente sera obligatoirement soumise à la TVA sur le prix total.

La CJUE précise encore que la division en lots, ou la réalisation de travaux d’aménagements tels que les travaux de raccordements aux réseaux d’électricité et autres réseaux ne remettent pas en cause le régime de la marge dans la mesure où le terrain reste qualifié de terrain â bâtir lors de sa revente.

L’application de cette décision de la CJUE sera donc moins favorable aux opérations d’achat-revente de terrains à bâtir, pour lesquelles le régime de la TVA sur marge sera moins souvent applicable.

Le Conseil d’Etat, en France, a repris cette décision à son compte et applique désormais ces nouvelles règles.

Cependant, les règles applicables avant les décisions de la CJUE et du Conseil d’Etat restent toujours valables tant que l’Administration fiscale n’a pas modifié sa doctrine, du fait des dispositions de l’article L 80 A du livre des procédures fiscales. Le Ministère de l’Action et des Comptes publics a précisé dans une réponse publiée le 1er février 2022, que la mise à jour de la doctrine de l’Administration fiscale ne d’appliquera pas aux opérations en cours, c’est-à-dire aux opérations pour lesquelles la vente est intervenue ou a fait l’objet d’un compromis de vente préalablement à la mise à jour de cette doctrine.

Vente d’un immeuble bâtis et d’un terrain à bâtir attenant

Si un marchand de biens immobiliers vend un immeuble bâti comprenant un terrain à bâtir attenant suffisamment grand pour permettre l’édification d’une construction, l’entité doit appliquer à chacun des biens le régime de taxation qui lui est propre. L’acte doit refléter clairement la qualification respective de chacun des éléments. Il est recommandé de réaliser une division parcellaire préalablement à la vente permettant de clarifier la taxation des opérations.

Un immeuble bâti sera :

  • Taxé à la TVA sur le prix de cession s’il est achevé depuis 5 ans au plus,
  • Exonéré de TVA s’il est achevé depuis plus de 5 ans, avec possibilité d’option à la TVA et dans ce cas :
    • Taxation à la TVA sur le prix de cession si le bien a ouvert droit à déduction lors de l’acquisition
    • Taxation à la TVA sur la marge si le bien n’a pas ouvert droit à déduction lors de l’acquisition

Un terrain à bâtir sera obligatoirement taxé à la TVA :

  • Sur le prix de cession si le bien a ouvert droit à déduction lors de l’acquisition
  • Sur la marge si le bien n’a pas ouvert droit à déduction lors de l’acquisition

En conséquence, la vente d’un immeuble bâti comprenant un terrain à bâtir attenant peut se solder par des taxations différentes des biens cédés lors de l’opération. L’administration fiscale préconise une division parcellaire préalablement à la mutation afin de clarifier la qualification respective et la taxation de chacun des biens vendus. (BOI-TVA-IMM-10-10-10-40 n° 1-30)

Surélévation d'une construction

En cas de surélévation d’une construction, la partie surélevée, nouvellement construite sera considérée comme un immeuble neuf en cas de vente dans les 5 ans de son achèvement. En revanche, la partie antérieure de l’immeuble, demeure un immeuble ancien s’il a été achevé depuis plus de 5 ans, dans la mesure où :

  • Les travaux effectués n’ont pas consistés en une rénovation à neuf
  • Il n’y a pas eu d’augmentation de la surface du plancher.

Chaque partie de l’immeuble sera soumise au régime qui lui est propre.

Calcul de la TVA sur marge

Si la TVA est appliquée sur le prix total, la TVA est appliquée sur le prix de vente total mentionné dans l’acte.

En cas d’application du régime de la TVA sur la marge, il convient de déterminer la marge qui servira à calculer la TVA collectée. La marge est déterminée par la différence entre, d’une part, toutes les sommes et charges dues auprès du cédant par le cessionnaire, diminuées de la TVA afférente à la marge elle-même et, d’autre part, le prix d’achat supporté par l’assujetti revendeur. (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°240)

Calcul marge

Plus précisément :

  • Le prix de vente s’entend de la différence entre le montant payé au cédant par le cessionnaire et le montant de la TVA afférente à la marge résultant de ce prix (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°250)
  • Les charges augmentatives du prix sont toutes les charges qui reviendraient de droit au cédant et qui sont contractuellement reportées sur le cessionnaire (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°260) :
    • Commission de l’intermédiaire payée par l’acquéreur pour le compte du vendeur (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°140)
    • Prestations supplémentaires à la charge de l’acquéreur (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°150)
    • Certains travaux de voirie (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°170)
    • Redevance pour la création de locaux à usage de bureaux et de locaux de recherche en région d’Ile de France (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°180)
  • Le prix d’achat comporte toutes les dépenses qui ont été supportées par l’acquéreur à ce titre (notamment les droits de mutation). Par construction, il s’agit de dépenses sur lesquelles aucun droit à déduction n’a pu être exercé, quand bien même elles seraient grevées de taxe rémanente. (BOI-TVA-IMM-10-20-10 n°270)

Par exemple, un marchand de biens a acquis un immeuble bâti au prix de 500 000€, sans TVA, et a réalisé des travaux de 200 000€ HT, soit 240 000€ TTC, sans que ces travaux aient pour conséquence de rendre l’immeuble à l’état neuf. Ce bâtiment est vendu pour 800 000€ TTC avec option à la TVA.

La marge taxable est de 250 000€, soit une TVA de 50 000€ à 20%. L’entité avait pu déduire 40 000€ de TVA déductible sur les travaux effectués lors de la réalisation de ceux-ci.

Calcul marge - exemple